La sécurité sociale est malade

Publié le par C Louis

Pour une fois, les données financières actualisées, qui doivent être examinées aujourd'hui par le Conseil d'orientation des retraites (COR), sont un peu moins alarmistes et concluent qu'un équilibre à l'horizon 2020 est possible pour les régimes de retraite. Equilibre qui pourrait être préservé d'ici à 2040, grâce à l'augmentation de la durée de cotisation prévue dans la loi Ayrault, qui conduira alors à un âge moyen effectif de départ à la retraite de 64 ans. Mais la lecture détaillée du document montre que ce scénario repose sur une série d'hypothèses très optimistes. Il y a bien sûr le taux de chômage, censé être ramené à 4,5 % (à partir de 2030). Il y a aussi la productivité du travail qui progresserait de 1,5 % par an. Il y a enfin et surtout la croissance du PIB, que le gouvernement voit atteindre 2 % à partir de 2016. On est loin de tout cela aujourd'hui. Les comptes de l'assurance-vieillesse restent déficitaires, ce qui signifie que les pensions versées sont en partie financées par de la dette. Les régimes complémentaires (Arrco-Agirc) sont encore plus dans le rouge, comme le souligne la Cour des comptes dans un rapport à paraître jeudi. Au-delà des retraites, c'est l'ensemble de la Sécurité sociale qui se retrouve en première ligne face à un phénomène particulièrement pernicieux pour elle : l'inflation zéro, voire la déflation. Une longue période de stagnation des prix, à la japonaise, serait redoutable pour des régimes sociaux déjà fragilisés. Elle serait en effet synonyme de recettes progressant très faiblement. Celles-ci, constituées aux deux tiers des cotisations sociales, restent largement corrélées à l'évolution de la masse salariale. Or que voit-on ? L'économie continue de détruire des emplois et alors que, jusqu'à présent, les salaires restaient assez dynamiques (avec des progressions d'environ + 2 % par an), ceux-ci commencent à ralentir. Et ce n'est sans doute que le début puisque les négociations salariales qui se nouent dans les entreprises pour 2015 se basent désormais sur une inflation quasi nulle. Pour la compétitivité du pays, c'est une bonne nouvelle, d'autant que le crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) et les baisses de charges du pacte de responsabilité vont monter en puissance : un rattrapage est en passe de s'opérer avec l'Allemagne, où le coût du travail remonte. Mais, pour la Sécurité sociale, l'alerte est déclenchée. La masse salariale devrait progresser d'à peine 1,5 % cette année, et 2015 ne sera sans doute pas meilleure - aucun rebond n'est attendu du côté de l'emploi. Les prévisions de la loi de programmation des finances publiques ne sont donc pas crédibles : la masse salariale est censée accélérer à 3,5 % en 2016, puis à 4,2 % par an à compter de 2017. Sachant que 1 point de masse salariale en moins, ce sont 2 milliards d'euros de perdus pour le seul régime général de la Sécurité sociale. La France s'était habituée à vivre avec des recettes sociales progressant de 4 % à 5 % par an. On ne retrouvera pas ce rythme, en tout cas pas avant longtemps. Et le gros problème, c'est que les dépenses, elles, ne ralentissent pas suffisamment, loin de là. L'inflation joue un rôle modérateur, mais d'autres facteurs structurels font grimper les prestations. Il y a la démographie, bien sûr, pour les retraites : on devra faire avec un papy-boom pendant les trente prochaines années. Il y a aussi, en lien avec le vieillissement mais pas seulement, la progression du nombre de personnes souffrant de pathologies lourdes et chroniques, qui explique l'essentiel de la dynamique des remboursements de l'assurance-maladie. Voilà pourquoi les dépenses de Sécurité sociale continuent de progresser de 4 % à 5 % par an en l'absence de mesures correctrices, même sans inflation. Ces dernières années, les différents gouvernements sont parvenus à contenir la hausse annuelle des dépenses d'assurance-maladie à moins de 3 %. Et François Hollande a prévu de ramener ce rythme à 2 % jusqu'en 2017. Mais cet objectif va être extrêmement difficile à atteindre, sachant que les dernières statistiques de l'Assurance-maladie font état d'une accélération inquiétante sur certains postes (indemnités journalières, remboursements médicaux), et que des médicaments très efficaces mais extrêmement chers vont continuer d'arriver sur le marché, à l'instar des traitements anti-hépatite C. En outre, un climat de défiance règne chez les médecins libéraux et dans les cliniques : la pression va être forte pour obtenir de l'Etat qu'il dénoue les cordons de la bourse. Face à ce contexte… inflationniste, les mesures d'économies prises dans le budget 2015 de la Sécurité sociale ne semblent pas suffisantes. Le comité d'alerte, chargé de prévenir des risques de dérapage, devrait de nouveau faire parler de lui prochainement. Et le salut ne viendra pas des régimes de retraite. La seule mesure d'économie de court terme prise par l'exécutif a consisté à geler les pensions (jusque-là indexées sur l'inflation). Mais quand il n'y a plus d'inflation, le gel est inopérant. Il deviendrait même coûteux en cas de baisse des prix… La Sécurité sociale, après avoir plongé jusqu'à 25 milliards d'euros de déficit en 2010, risque de voir son redressement entravé pour longtemps, avec un besoin de financement ne redescendant jamais en dessous des 10 milliards annuels. Cela impose de redoubler d'efforts pour rendre le système de santé plus efficient et de prendre rapidement des mesures pour sauver les régimes de retraite complémentaires. Faute de quoi, il est probable que des mesures beaucoup plus radicales seront versées dans le débat lors de la campagne présidentielle de 2017.

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